dimanche, mai 28, 2006

Un infini indicible et silencieux


Rothko
White and greens in blue
1957




Un infini indicible et silencieux


La sensation charnelle , la recherche d’infini, la notion de tragique que dégagent les œuvres de Rothko est immédiatement rentrée en résonance avec celle ressentie face au « Moine devant la mer » de Friedrich. (1774-1840)




Il y a dans les deux cette même composition en bandes superposées horizontales , cette sensation de faire corps avec le tableau, cette même émotion devant un infini indicible , mysterieux. Mais quelle tension, quelle richesse d’émotions , que de foisonnement spirituel qui ne semblent devoir jamais s’arrêter façe à la contemplation d'une toile de Friedrich





Friedrich
Le moine au bord de la mer
1808-1810
Staatliche Museum, Berlin


« Un paysage enveloppé de brumes paraît plus vaste, il anime l’imagination et renforce l’attente, semblable à une femme voilée. » Friedrich





Et comme l’a si bien écrit Kleist, un des rares contemporains à avoir compris et apprécié ce tableau . « C’est avant tout l’invention qui fait l’œuvre, non pas ce qu’elle représente pour l’esprit, mais ce que s’imagine l’âme mise en réveil par sa vue, c’est cela l’œuvre d’art. "
Tout simplement splendide.


A voir en Allemagne l’exposition Friedrich Caspar David/
A regarder ABSOLUMENT avec l’œil de l’esprit

« Ferme l’œil de ton corps afin de voir ton tableau d’abord par l’œil de l’esprit. Puis mets au jour ce que tu as vu dans l’obscurité, afin que ta vision agisse sur d’autres, de l’extérieur vers l’intérieur » Friedrich

Rothko, la réalité de l'artiste


Rothko, la réalité de l'artiste

Rothko, au début des années 40, est un jeune artiste en plein questionnement.
Il s’arrête, se donne le temps de l'écriture, de l'interrogation sur la place de l'artiste dans la société, sur la beauté, sur les aspects plus techniques de l'art (perspective, étude de la lumière), sur le mythe unificateur...
On comprend que Rothko a une grande culture et une bonne connaissance de la philosophie , de l'histoire de l'art. Par moment, il pèche par des phrases lourdes, compliquées, un peu emberlificotées.
Ses propos désillusionnés sont souvent justes quant à l’évolution du statut d'artiste et aussi à celui de l'art dans cette société charnière qui évolue à grand pas vers une société hédoniste.




"Pour ce qui est de l'art, notre société a substitué le goût à l'art: cela l'amuse d'avantage, la responsabilité est moindre. Et elle change de goûts comme de costumes."

Même si Christopher Rothko justifie, dans la préface, la publication des écrits de son père pour aider à comprendre le travail de Rothko –père, ce recueil contient peu d’explications, nous sommes tout de même dix années avant la production de ses toiles immenses, vibrantes, rayonnantes.

Voici quelques extraits précurseurs de ce qui fera son œuvre.

"En peinture, la plasticité est obtenue par une sensation de mouvement aussi bien dans la toile qu'au dehors, de l'espace antérieur vers la surface de la toile. Ce voyage est le squelette, le cadre de l'idée. Il doit être en lui même suffisamment intéressant, robuste et revigorant. »

" Les oeuvres d’art abstraites utilisent des notions abstraites de formes et d'émotions en terme plastiques afin d'établir une unité dans une catégorie supérieure. »

Mais ce qui est le plus marquant, c’est cette recherche d’une unité mystique perdue, sur laquelle il revient souvent, il est difficile de la résumer en quelques mots.

« L'artiste n'a cependant jamais perdu sa fonction première et instaure l'unité de l'ultime en réduisant tous les phénomènes au sensuel .Car la sensualité est la seule qualité humaine fondamentale nécessaire à l'appréciation de toute vérité.(…)


Cette unité ultime des anciens n'a jamais été retrouvée, hormis par les peintres vénitiens et Shakespeare. Car les anciens avaient associé dans leur monde plastique les trois éléments capitaux de l'expérience humaine -sensualisme, sensation et objectivité- en un symbole unique"

Finalement, l’essence même des œuvres de Rothko tient dans ces quelques phrases, qui ne proviennent pas du livre.


« Mes tableaux actuels renvoient à l’échelle des émotions humaines, du drame humain, autant que je suis capable de l’exprimer. »(27 oct. 58)



« 1- Il doit y avoir une hantise évidente de la mort. L’art recèle toujours des évocations de la condition mortelle. L’art tragique, l’art romantique, parlent de la connaissance de la mort.
2- La sensuaIité. La base d’une attitude concrète à l’égard du monde. C’est un rapport charnel avec les choses qui existent.
3- La tension. Soit le conflit, soit le désir réprimé.
4- L’ironie, c‘est un ingrédient moderne. »
( catalogue du Musée d’Art Moderne de Paris, 1999)

mardi, mai 16, 2006

La Mère à la mer




Mariakerke et sa belle petite église Notre Dame des Dunes, la mer à portée de main, les dunes , un vent marin iodé, un petit cimetière clos au charme suranné et voir les lieux avec les yeux d’Ensor, plantée là au milieu des champs, juste un chemin qui passe entre les maisons de pêcheurs pour s'y rendre, telle que nos mères l'ont connue.




Là une tombe, banale , froide pour ce peintre lumineux, amoureux de ce ciel de mer du Nord, amoureux de ses reflets multiples, de cette mer si vivante dont il aima honorer « les cent faces, les surfaces, les facettes, les dessous rubescents, les crêtes diamantées, les dessus saphirés… »




« Je vous salue Mer pleine de grâce, de réconfort, mer profonde , mer infinie » Ensor







Nuage blanc. Ensor.1884
Musée Royal des Beaux Arts Anvers


Et au dessus, enjambant la tombe du Baron, en équilibre sur ses grandes pattes , une araignée aussi fascinante qu’inquiétante « Maman » de Louise Bourgeois., inspirée par sa propre mère , restauratrice de tapisseries.







L’araignée porteuse d’œufs , qui tisse sa toile , son nid, de ce fil infiniment solide, patiemment et si parfaitement, qui la répare au fil des dommages, l’araignée qui nourrit,
mais aussi l’araignée telle que souvent vue , fantasmagorique et effrayant prédateur, tissant son piège , araignée dévorante : toute l’ambiguïté de Louise Bourgeois réside là.








Elle a écrit : 'ma meilleure amie était ma mère et elle était intelligente, patiente, apaisante, raisonnable, subtile, indispensable, ordonnée et utile comme l'araignée.' Mais elle ajoute également que 'l'araignée est souvent trop fastidieuse, excessivement raisonnable ; elle ne se fatigue jamais.'

Cette oeuvre est à découvrir jusqu'au premier octobre dans le cadre de Beaufort 2006 .
Et toujours à ostende, par grand soleil ou temps de pluie, visitez le pmmk et pour l'occasion quelques oeuvres de notre surréaliste et mystérieux Magritte.

Bon bol d'air iodé!

jeudi, mai 11, 2006

Le regard , miroir de l'âme

L'autoportrait de Munch exposé à Bruxelles m' a immédiatement renvoyé à un autre autoportrait et celui là à encore un autre, qui pourrait correspondre avec celui ci ou encore celui là.







Munch
Autoportrait
1895















Spilliaert Léon
Autoportrait
1907
Musée Royaux des beaux Arts
Bruxelles







Spilliaert, le reflet dans le miroir, le peintre de la nuit solitaire, les plantes et la lune dans la fenêtre participent au mystère.Traits creusés , pommettes anguleuses, fronts plissés , cheveux en halo lumineux, il est là en questionnement , perdu dans ses pensées. Oserions nous les interrompre, intervenir entre le miroir et lui?




Bonnard Pierre
Portrait de l'artiste dans la glace du cabinet de toilette
1939-1946
Paris

Bonnard, et la peinture si présente,de plus en plus présente même, les traits qui s'estompent, les yeux qui s'effacent, façe à son miroir, dans un halo de blancs lumineux et vibrants. Crâne nimbé d'une lumière dorée, silencieux, en introspection , entre mélancolie et sérénité.

Superbe artiste que celui là. Superbe roman de Guy Goffette " Elle , par bonheur, et toujours nue" sur Bonnard et sa vie avec Marthe, son point de vue artistique.

Et aussi très beau texte de Lunettes Rouges sur la dernière expo à Paris .

lien vers Lunettes rouges

Et puis , juste pour rassembler, ces deux là. Picasso qui n'aimait pas Bonnard, Picasso peu tendre avec beaucoup de ses contemporains.

" Qui voit la figure humaine correctement? Le photographe, le miroir ou le peintre?"

Pablo Picasso

dimanche, mai 07, 2006

correction

Zuuuuutttt!!!
Problème de mise en page.
La gravure sur bois du baiser de Munch est la première bien évidemment!!!

Vallotton , en noir et blanc



Après Munch, je ne peux résister à vous présenter Felix Valloton ( 1865-1925), artiste suisse, dessinateur de presse,naturalisé français, qui réalisa de superbes xylogravures , aux traits épurés.

Valloton, contrairement à Munch, a commencé par la gravure et le trait simplifié, schématique de celle-ci se retrouve dans sa peinture.( Munch commençait par la peinture.). Il y a presque de la BD, de la ligne clair là dedans .

Graveur bien plus génial que peintre, il décrit avec une acuité critique , et pessimiste, mais toujours sans agressivité , la société de son époque, l’intimité de ses contemporains de la « Belle Epoque »


La Paresse
1896














Là où le baiser de Munch est en tension, comme un engloutissement, la scène intimiste de Valloton donne l’illusion d’une grande sérénité, d’une complicité émouvante.
Ne vous fiez pas aux apparences , voyez le titre « Le Mensonge »




Munch
La baiser















Valloton aura aussi été un anarchiste engagé,défenseur de Dreyfus. Il a travaillé pour les grandes revues de l'époque : L'Assiette au Beurre, La Revue Blanche...

Un artiste qui gagne a être mieux connu!!



mercredi, mai 03, 2006

Rops-Munch


Rops-Munch
Man –Woman
Du 22 avril au 22 juin
au Musée Charlier
à Bruxelles

http://www.charliermuseum.be/fr/expoactu.php






Rops encore et toujours, cette fois confronté à Munch( 1863-1944) , dans leur vision de la femme et par là même des rapports hommes –femmes. Munch , artiste encore une fois tourmenté, peint ses angoisses.

"Ces faiblesses que je conserverai, elles sont une part de moi-même. Je ne voudrais pas rejeter ma maladie, car mon art lui est pour beaucoup redevable." Munch

Munch , à côté de sa peinture, développera une activité de graveur à part entière, il expérimentera diverses techniques comme la lithographie, la pointe sèche, la gravure sur bois, les eaux fortes.


Le Norvégien Munch est marqué dès sa jeunesse par les décès de sa mère et de sa sœur,et la mélancolie pathologique d’une autre sœur. Il sera écrasé par le puritanisme familial dans lequel il a été éduqué, l’hypocrisie de la bourgeoisie.
Ses relations sentimentales seront également des plus tumultueuses, et tout particulièrement celle avec Tulla Larsen, qui se terminera avec violence. Il saisira un pistolet, la menacera et finira par se tirer dans la main, perdant du même coup une phalange . Il sombrera dans la dépression et l’alcool, se coupant de plus en plus du monde, souffrant d’hallucinations. Finalement, il demandera à être interné. Après son traitement , il vivra en ermite, et son œuvre deviendra moins violente, mis pas apaisée pour autant.

Sa vision de la femme sera tout en dualité : attirance, peur, vie et mort

De la jeune fille pubère là, seule, renfrognée, son ombre énorme, difforme, effrayante, image de l’anxiété devant l’entrée dans la vie adulte, devant l’émergence de sa sexualité.



La femme « en trois états » , représente le chaste printemps, à peine esquissé, la femme dans la pleine force de sa maturité, puissante,trônant nue, sure d’elle, et la troisième, en noir, décharnée, éteinte déjà. Laquelle effraya le plus Munch, qui la peignit aussi femme « vampire » ?
















J’ai une préférence pour la Madone, pour ses traits simplifiés, ses yeux fermés ,ses
hanches , ses cheveux épars, refermée en elle, en plein moment extatique. Les lignes ondulantes autour du modèle, comme un écho, qui souligne ce moment de transcendance.






PS:LE TRIBUNAL D'OSLO a justement condamné ce mardi 2 mai à des peines de 4 à 8 ans de prison trois hommes pour leur implication dans le vol du «Cri», le chef-d'oeuvre d'Edvard Munch dérobé en 2004, tandis que le tableau et ses ravisseurs restent dans la nature. Deux des trois accusés ont aussi été condamnés à verser «d'ici à deux semaines» 750 millions de couronnes norvégiennes (122 millions de dollars) à titre de dédommagements. Le procureur voulait des sommes astronomiques afin d'inciter les accusés à révéler l'endroit où se trouvent les deux tableaux.