dimanche, mai 28, 2006

Rothko, la réalité de l'artiste


Rothko, la réalité de l'artiste

Rothko, au début des années 40, est un jeune artiste en plein questionnement.
Il s’arrête, se donne le temps de l'écriture, de l'interrogation sur la place de l'artiste dans la société, sur la beauté, sur les aspects plus techniques de l'art (perspective, étude de la lumière), sur le mythe unificateur...
On comprend que Rothko a une grande culture et une bonne connaissance de la philosophie , de l'histoire de l'art. Par moment, il pèche par des phrases lourdes, compliquées, un peu emberlificotées.
Ses propos désillusionnés sont souvent justes quant à l’évolution du statut d'artiste et aussi à celui de l'art dans cette société charnière qui évolue à grand pas vers une société hédoniste.




"Pour ce qui est de l'art, notre société a substitué le goût à l'art: cela l'amuse d'avantage, la responsabilité est moindre. Et elle change de goûts comme de costumes."

Même si Christopher Rothko justifie, dans la préface, la publication des écrits de son père pour aider à comprendre le travail de Rothko –père, ce recueil contient peu d’explications, nous sommes tout de même dix années avant la production de ses toiles immenses, vibrantes, rayonnantes.

Voici quelques extraits précurseurs de ce qui fera son œuvre.

"En peinture, la plasticité est obtenue par une sensation de mouvement aussi bien dans la toile qu'au dehors, de l'espace antérieur vers la surface de la toile. Ce voyage est le squelette, le cadre de l'idée. Il doit être en lui même suffisamment intéressant, robuste et revigorant. »

" Les oeuvres d’art abstraites utilisent des notions abstraites de formes et d'émotions en terme plastiques afin d'établir une unité dans une catégorie supérieure. »

Mais ce qui est le plus marquant, c’est cette recherche d’une unité mystique perdue, sur laquelle il revient souvent, il est difficile de la résumer en quelques mots.

« L'artiste n'a cependant jamais perdu sa fonction première et instaure l'unité de l'ultime en réduisant tous les phénomènes au sensuel .Car la sensualité est la seule qualité humaine fondamentale nécessaire à l'appréciation de toute vérité.(…)


Cette unité ultime des anciens n'a jamais été retrouvée, hormis par les peintres vénitiens et Shakespeare. Car les anciens avaient associé dans leur monde plastique les trois éléments capitaux de l'expérience humaine -sensualisme, sensation et objectivité- en un symbole unique"

Finalement, l’essence même des œuvres de Rothko tient dans ces quelques phrases, qui ne proviennent pas du livre.


« Mes tableaux actuels renvoient à l’échelle des émotions humaines, du drame humain, autant que je suis capable de l’exprimer. »(27 oct. 58)



« 1- Il doit y avoir une hantise évidente de la mort. L’art recèle toujours des évocations de la condition mortelle. L’art tragique, l’art romantique, parlent de la connaissance de la mort.
2- La sensuaIité. La base d’une attitude concrète à l’égard du monde. C’est un rapport charnel avec les choses qui existent.
3- La tension. Soit le conflit, soit le désir réprimé.
4- L’ironie, c‘est un ingrédient moderne. »
( catalogue du Musée d’Art Moderne de Paris, 1999)